Évaluer l’efficacité du jeu de formation
Faire du jeu une activité apprenante
Par Carlo BIANCHI : Consultant en Ingénierie Pédagogique & Concepteur de Jeux de Formation
Comme promis dans mon précédent article, qui expliquait à quoi un jeu ne sert pas, voici un nouveau billet qui vous permettra de découvrir une méthode pour évaluer l’efficacité du jeu de formation
Pourquoi évaluer l’efficacité du jeu de formation ?
- Il est intéressant de constater à quel point les jeux de formation se voient attribuer un grand nombre de mérites. Ceci n’est pas sans causer de difficultés aux formateurs qui doivent prouver ces affirmations.
- D’autre part, les outils de formation conventionnels sont habituellement considérés comme « innocents » (jusqu’à preuve du contraire) alors que les moyens innovateurs, ou originaux, doivent démontrer leur efficacité avant de recevoir l’approbation qu’ils méritent.
- Cet article présente une liste de critères auxquels un jeu doit correspondre pour être considéré comme un outil « apprenant ».
- Ils sont utiles, à la fois, pour celles et ceux qui doivent sélectionner des jeux de formation existants et pour les créateurs de jeux qui doivent les concevoir.
Des critères d’évaluation venus d’outre-Atlantique
L’efficacité pédagogique du jeu dépend de nombreux facteurs et c’est pourquoi peu d’études sur ce sujet sont réellement comparables.
Dans une revue canadienne, nous avons retrouvé un article qui présente une série de critères d’évaluation de l’efficacité du jeu dans l’enseignement.
Publiés par un groupe de chercheurs en sciences de l’éducation, ces critères ne visent pas un type de jeu en particulier, aussi certains points seront plus pertinents que d’autres.
Ils sont utiles, à la fois, pour celles et ceux qui doivent sélectionner des jeux de formation existants et pour les créateurs de jeux qui doivent les concevoir.
LA VALIDITÉ
Un jeu est valide lorsque l’apprenant peut se rendre compte facilement de l’analogie qui existe entre l’activité d’apprentissage et ce qu’elle est censée représenter.
La validité dépend aussi de l’étendue de la correspondance entre les habiletés et les concepts à enseigner.
Le critère de validité signifie que règles, rôles, interactions, buts et critères du jeu retrouvent leur contrepartie univoque dans les habiletés, les concepts ou le cadre théorique que l’activité est censée développer.
LA FIDELITÉ
La fidélité concerne la reproductibilité des effets d’un jeu et ceci comprend le caractère prévisible de son dénouement.
Les résultats d’un jeu dépend en grande partie des règles que se sont donnés les participants (règles implicites).
Ce ne sont pas les résultats auxquels les participants parviennent qui sont importants, mais les processus qu’ils suivent pour y arriver.
Ce sont ces processus qui font l’objet d’un apprentissage et que l’on espère pouvoir retrouver à toutes les occasions où le jeu se produit, particulièrement dans un contexte de pédagogie de la découverte.
Par ailleurs, les formateur s’attendent que les jeux assurent un résultat avec une certaine régularité. Donc, les résultats dépendent aussi des règles imposées par le formateur (règles externes).
Les participants doivent ainsi être en mesure d’acquérir ces produits d’apprentissage à chaque fois qu’ils jouent.
LA CREDIBILITÉ
Un jeu est crédible dans la mesure où la situation ludique, même si elle est fictive, permet à chaque participant de s’engager en tirant profit de son expérience et de son savoir accumulé. Il s’agit ici de considérer la crédibilité dans la perspective du participant.
Un modèle peut être en effet une représentation valide de la réalité mais ne rien signifier pour un participant parce que le thème lui est tout à fait étranger.
LA SYMETRIE
Un jeu dans lequel les participants jouent des rôles différents ne permet pas à tous les participants d’en tirer la même expérience.
Les apprentissages réalisés dans de telles circonstances sont appelés asymétriques parce que les participants n’auront pas tous joué le même rôle, les apprentissages respectifs seront donc tous différents.
LA SYNCHRONISATION
Un jeu se déroule à l’intérieur d’un cadre temporel qui lui est propre. Toutefois, ce cadre temporel peut entrer en conflit avec l’horaire régulier de la formation ou encore être dérangé par les difficultés qu’éprouvent les participants à travailler au même rythme.
Ce type de problème est particulièrement évident dans les activités de simulation qui font intervenir une séquence temporelle rigide ou lorsque de multiples décisions doivent être prises.
LA MANIABILITE
Pour que l’apprentissage ait lieu, les activités doivent être relativement complexes.
Il est important cependant que la complexité des tâches ne soit pas trop consommatrice de temps et d’énergies.
Plus le jeu permet d’atteindre ses objectifs simplement, plus les participants peuvent utiliser leur temps à réfléchir sur les événements qui se produisent dans le jeu, et à les interpréter pour en tirer leurs propres conclusions.
L’ADMINISTRATION
Pour que le formateur puisse exploiter les résultats du jeu à des fins d’apprentissage il doit, tout comme le participant, pouvoir être attentif aux événements du jeu.
De ce fait, le formateur ne doit pas être impliqué directement dans le jeu et chaque interruption destinée à préciser les règles impacte négativement ce critère.
Plus un jeu est facile à exécuter, facile il est facile à administrer.
LA RÉTROACTION
Chaque participant doit pouvoir évoluer de façon à recevoir rapidement un feedback à propos de son activité.
Pour être efficace, le feedback doit non seulement être pertinente, il doit aussi être fourni le plus tôt possible après l’action du joueur.
Si le joueur se trouve devant un vide, d’où ne lui parvient aucune information, il lui sera impossible de passer à travers les étapes du développement du jeu.
La contribution française
Pour compléter les travaux de l’équipe de Pierre CORBEIL, Pierre PARAGE (chercheur en Didactique Professionnelle au CNAM) a travaillé en particulier sur les jeux de simulation et propose des critères d’évaluation complémentaires :
LA PROBLÉMATIQUE
Pierre Parage va plus dans le détail du critère de VALIDITÉ en y ajoutant un paramètre essentiel qui est celui de la PROBLÉMATIQUE du travail, c’est-à-dire, qu’il ne suffit pas qu’une situation de jeu soit représentative de la situation professionnelle, elle doit également être représentative des évènements problématiques qui peuvent impacter le travail et auxquels les travailleurs doivent faire face.
L’INTERACTIVITÉ
À différence du sens commun d’interactivité, qui désigne des échanges d’idées entre différentes personnes, Pierre Parage explique que l’apprenant apprend aussi, et surtout, lorsqu’il interagit avec des situations, puisqu’il est amené à mobiliser ses connaissances pour faire face aux problèmes qui ont lieu dans la situation.
Et la situation doit aussi « répondre » à l’apprenant, c’est-à-dire que lorsque l’apprenant prend une décision ou effectue une action, dans la situation de jeu, l’apprenant subit les conséquences de son choix et en temps réel.
Cette interaction peut évidemment avoir lieu de manière collective, en discutant entre pairs, mais ce qui compte est ce qui se passe dans l’esprit de l’individu lorsqu’il interagit avec l’objet de l’apprentissage.
LA PROGRESSION
Pour compléter le critère de SYNCHRONISATION, qui permet de définir si le cadre temporel du jeu est en adéquation avec les contraintes temporelles de l’entreprise et le rythme d’apprentissage des participants, Pierre Parage apporte le critère de PROGRESSION qui rappelle que, comme dans tout apprentissage, la situation de jeu doit amener à apprendre de manière progressive, pour que l’apprenant puisse avoir le temps de « se faire à la complexité » de la situation.
LE DIAGNOSTIC
Le jeu doit être un espace générateur de diagnostic, permettant au joueur de définir avec précision quel est le problème à résoudre dans le jeu.
Avec une bonne compréhension du problème, le joueur peut ainsi réorganiser ses connaissances.
LE DÉBRIEFING
Le critère de RÉTROACTION expliquée par l’équipe canadienne prend en considération le feedback donné par le formateur aux apprenants.
Pierre Parage dit que le feedback doit être aussi produit par la situation elle-même : quand un joueur prend une décision, son action produira des conséquences, qui constituent un feedback immédiat, implicite dans la situation.
Le fait de jouer collectivement permet aussi d’obtenir un feedback de la part des comportements des autres joueurs, par exemple, en voyant un joueur faire une erreur, les autres joueurs obtiennent une information qui leur permet d’éviter de faire la même erreur.
Références Bibliographiques :
- Pierre CORBEIL, Dany LAVEAULT, Michel SAINT-GERMAIN, Jeux et activités de simulation : des outils pour une éducation au développement international, Agence canadienne de développement international, 1989.
- Psychopédagogie du jeu de simulation pour l’apprentissage de l’histoire, Academia – Québec.
- D. LAVEAULT et P. CORBEIL, Psychopédagogie du jeu de simulation pour l’apprentissage de l’histoire, Revue des sciences de l’éducation, vol. 12, n°1, 1986.
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